Je suis bègue, tu veux ma photo ?
En Vrai : C’est quoi être bègue ?
Aurélien Lauféron : Le bégaiement globalement c’est un trouble de la parole, par exemple quand tu discutes avec quelqu’un il se peut qu’à un moment tu aies un manque d’air, en gros tu veux dire quelque chose mais ton cerveau n’a pas eu le temps de créer la phrase et donc tu peux bégayer pendant une réunion par exemple. Il y aussi la personne qui va begayer quand elle va trop ou pas assez réfléchir, ou qu’elle sera dans un moment de tension, de joie, de tristesse ou de colère.
Pour moi, par exemple, c’était la colère et le stress, il y a un moment où ça se ressent, tu vas accrocher tous tes mots, ça se sent que tu es un peu oppressé, que tu n’es pas à l’aise.
En Vrai : Ça a commencé quand pour toi ?
Aurélien Lauféron : Dès ma naissance j’avais déjà les symptômes du bégaiement, j’ai des problèmes de respiration en plus de l’asthme, du coup l’apparition des symptômes et du regard des gens sont apparus pendant la période scolaire et c’est vraiment là que le bégaiement s’est fait ressentir.
En fait c’est physique et vocal, il n’y a pas que vocalement c’est aussi physiquement parce que tu grimaces un peu quand tu bégaies beaucoup. J’ai accroché vraiment sur des mots je ne pouvais pas parler comme je parle aujourd’hui, c’était vraiment compliqué.
En Vrai : C’est plus grave que ça en a l’air ?
Aurélien Lauféron : Tous les jours il y a des gens qui se suicident et qui ont 15 ou 16 ans et c’est presque des gens de mon âge.
J’étais un peu plus jeune, j’avais 14 ou 15 ans quand j’ai tenté, c’est là que je me dis que ça me touche et il faut que je fasse quelque chose.
Je suis conscient que je ne vais pas changer l’image du monde, ce n’est pas possible à part si j’ai des milliards et même avec des milliards on ne peut pas changer grand-chose, mais au moins essayer de faire passer une sorte de message, c’est aussi le but de la vidéo, c’est pour ça que je suis là.
En Vrai : Comment tu l’as vécu ?
Aurélien Lauféron : Moqueries en classe principalement. Par exemple, quand tu dois parler, moi je faisais en sorte d’être dans mon coin pour ne pas être vu, quand il s’agissait de lire les textes c’était pareil je me mettais dans mon coin. En fait j’étais vraiment dans ma bulle, renfermé sur moi-même. Déjà quand tu bégaies tu te sens faible, tu as les mauvais regards qui se jettent sur toi parce que tu es une sorte de proie, de manière métaphorique, du coup tu es faible, tu te dis que le mec peut facilement te péter la figure et c’est ce qu’il m’est arrivé d’ailleurs et je me suis recroquevillé sur moi-même, du coup ça se voyait encore plus, j’étais vraiment dans une phase très très fragile et on se rend compte que la période scolaire va influencer sur toute notre vie future.
Personnellement j’ai failli commettre l’irréparable à cause de ça, c’était un craquage total, aujourd’hui j’en suis fière parce que je me suis dit : si ça n’a pas voulu c’est qu’au fond il y avait quelque chose que je savais que je réussirai à surmonter.
En Vrai : Comment tu as réussi à passer au-dessus ?
Aurélien Lauféron : Durant ma période scolaire j’ai été voir un orthophoniste pour essayer un peu de m’aider et elle m’a aidé à lire. Aujourd’hui je peux lire un mot sans problème, je peux chanter une chanson sans bégayer, comme quoi c’est vraiment un truc tout bête, mais ça peut vraiment gâcher des gens parce que c’est quand même un complexe.
En plus ça a été reconnu comme handicap par la Maison départementale des handicapés, c’est vraiment quelque chose qu’il ne faut pas prendre à la légère.
Quand quelqu’un bégaye ce qu’il faut faire pour l’aider c’est ne pas compléter sa phrase, si on complète sa phrase ça va lui faire un blocage, du coup il aura ce réflexe de silence, de blanc, pour que quelqu’un le reprenne. En gros, s’il bégaie il faut le laisser terminer sa phrase, ça lui donnera confiance en lui et la personne montrera qu’elle accepte de discuter comme ça.
En Vrai : Un last mot ?
Aurélien Lauféron : Si toi aussi tu bégaies, tu as un manque de confiance en toi ou que tu as une quelconque maladie et que tu as l’impression que ça t’oppresse et que tu ne te sens pas bien, sincèrement et je te le dis en tant que bègue réel et vrai, fais ce que tu aimes, sois avec les personnes qui t’apprécient vraiment. Si tu aimes le sport fais en, si tu en veux et si tu bosses les gens le verront.
C’était mon cas, au début les gens au travail disaient : il ne va pas bosser ! Donc si moi je peux le faire, si je réussis à faire tout ça et aujourd’hui à être sûr En Vrai, alors que je ne pensais pas le faire un jour, passer devant une caméra et faire une interview.
Donc si moi je peux le faire, sincèrement tu peux le faire aussi !